STUDII

« Qu'est-ce que la vérité ? »  Réponses romaines au problème des « fausses nouvelles »

DOI:   10.24193/SUBBiur.65(2020).4.27

Data publicării online:          16.03.2021

Jakob Fortunat STAGL*

Le moindre obstrué trou du cul, se voit Jupiter dans la glace. Voilà le grand miracle moderne… Ils [les Soviets] essayent de farcir l’étron, de le faire passer au caramel. C’est ça l’infection du système.

L.-F. Céline, Mea Culpa, Paris 1936.

Résumé : Citant des exemples de l’Antiquité comme le procès contre Jésus-Christ et la politique de Caligula, l’article analyse les dangers d’une législation contre les « fake news ». Étant une limitation à la liberté d’expression et en tant que tel un premier pas vers un système politique totalitaire, l’auteur est contre ce type d’activisme législatif.

Mots-clés : liberté d’expression, régimes totalitaires, légiférer.

“What is truth?” Roman answers to the question of “fake news”

Abstract: Citing examples from Antiquity like the trial against Jesus Christ and the politics of Caligula, the article analyses the dangers of legislation against “fake news “. Being a limitation to free speech and the first step to a totalitarian political system, the author is against such kind of legislative activism.

Keywords: freedom of expression, authoritarian politics, legiferation.

 

Table des matières

I.          L’autorité neutre. 7

II.         L’autorité voyoute. 11

III.        L’autorité engagée. 16

IV.        IV L’autorité nihiliste. 18

V.         V. La fausseté de la vérité juridique. 19

VI.        La vérité de la vérité sociologique. 24

 

I.              L’autorité neutre

Une loi contre les « fake news » comme la loi « contre la manipulation de l’information » du 22 décembre 2018 présuppose un organisme public qui ait connaissance de l’information non manipulée, autrement dit de la vérité[1]. Seul un tel organisme peut distinguer entre le vrai et le faux avec une autorité suffisamment légitime pour punir ceux qui rendent publiques des fakes news ou supprimer leur diffusion. Mais connaître la vérité n’est pas si simple pour l’État. Un des plus fameux exemples historiques à cet égard est l’épisode qui fait intervenir Ponce Pilate, gouverneur de la province romaine de Judée aux temps de l’empereur Tibère[2]. Comme le rapporte l’évangéliste Jean, la veille de la Pâque de l’an 33, les juifs de Jérusalem, qui ne disposaient pas du ius gladii, conduisirent Jésus au prétoire pour le faire tuer par l’autorité romaine. Les autorités juives accusèrent Jésus d’être un malfaiteur ; après avoir hésité, Pilate commença l’interrogation de l’accusé[3]. Jésus prétendit être le roi d’un royaume qui n’est pas de ce monde : « Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix ». Jésus prétendait ainsi représenter la vérité, être lui-même la vérité. Avant son procès il avait expliqué à ses disciples : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père que par moi »[4]. Pilate se trouvait ainsi face à face avec quelqu’un qui échappait complétement aux catégories ordinaires de la justice, et qui, pour lui répondre, posa alors la célèbre question à Jésus : « Qu'est-ce que la vérité ? ».

Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix. Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? Ayant dit cela, il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs, et il leur dit : Pour moi, je ne trouve aucun crime en lui. Mais c’est la coutume qu'à la fête de Pâques je vous délivre quelqu’un. Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ? Alors tous crièrent de nouveau : Non, pas lui, mais Barabbas. Or, Barabbas était un brigand[5].

 

Lorsque l’on examine ce dialogue, on est frappé par le fait que Ponce Pilate affirme ne pas savoir ce qu’est la vérité, alors que Jésus proclame être lui-même la vérité[6]. Est-ce une formule qui cache la conversion de Ponce Pilate ? Est-ce une riposte? Ponce Pilate est-il un nihiliste décadent qui n’a plus la force de croire en l’idée impériale qu’il représente et qui, par conséquent, est destiné à une chute imminente ? Ou bien serait-il, comme l’affirme Nietzsche, le seul personnage appréciable du Nouveau Testament, qui oppose la figure d’un scepticisme philosophique dans la tradition des Anciens à la nouvelle barbarie de la foi venue du Proche-Orient[7] ?

Quelle que soit la motivation intrinsèque de Pilate, il doute du point de savoir si Jésus est un malfaiteur ; il se demande peut-être même si Jésus ne serait pas vraiment une espèce de roi. Il se refuse donc à le condamner et le livre seulement à la foule pour satisfaire sa soif de sang. Cette suspension du jugement a une longue tradition dans la philosophie stoïcienne où on l’appelle « épochè » (ποχή)[8]. Il faut lire dans l’Évangile de Mathieu le dernier acte de ce drame pour comprendre la portée de la décision et de la posture de Pilate :

Après avoir constaté l’innocence de Jésus, Pilate leur dit : Que ferai-je donc de Jésus dit Christ ? Tous dirent : Qu'il soit crucifié ! Il dit : Qu'a-t-il donc fait de mal ? Et ils crièrent encore plus fort : Qu'il soit crucifié ! Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte allait croissant, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : Je suis innocent du sang de ce juste ; à vous de voir ! Et tout le peuple répondit : Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ![9]

Celui qui reste passif ne peut pas éviter la culpabilité en se lavant les mains. Au regard de la vérité il n’y a pas de neutralité possible : « celui qui n’est pas avec moi est contre moi », dit Jésus dans l’Évangile selon Matthieu[10]. Voici la grande leçon que l’on peut, que l’on devrait tirer du comportement de Ponce Pilate ; Sartre, au moins, la tira :

« [C]haque phrase contient le langage tout entier et renvoie à tout l’univers : le silence même se définit par rapport aux mots, comme la pause en musique, reçoit son sens des groupes de notes qui l’entourent. Ce silence est un moment du langage ; se taire, ce n’est pas être muet, c’est refuser de parler, donc parler encore (…) »[11].

Envisagé ainsi, suivant cette perspective, il est compréhensible que le gouvernement français veuille lutter contre le mensonge dans les médias et sur les réseaux sociaux. Il y a là une prise de position active au regard de la vérité, qui s’inscrit déjà dans une tradition noble en France, s’inspirant par exemple de la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Non, les français ne s’accommodent pas en se lavant les mains devant la foule, en proclamant leur innocence. Le « Que sais-je ?» de Montaigne est une maxime de philosophes dans leurs châteaux mais pas de gouvernements qui doivent agir dans le monde.

II.            L’autorité voyoute

La neutralité de Ponce Pilate n’est pas seulement un choix personnel, c’est aussi une disposition caractéristique de la République romaine, qui a conditionné son éducation. À titre général, mis à part certains épisodes tels que le scandale des bacchanalia[12], par exemple, la République se voulait un régime assez libéral. C’était un régime parfaitement légitime, c’est-à-dire universellement accepté, et pour cela peu dépendant de la propagande[13]. Cette modestie et véracité de la République se révèlent quand on compare la sobriété de Jules César dans son Bellum gallicum avec le spectacle d’un des Empereurs qui évoque l’auto-perception, comme Jupiter, dont parle Céline. L’exécution d’un innocent comme Jésus incarne le terrible danger auquel peut aboutir une attitude libérale ou indifférente telle que celle de Ponce Pilate. Cependant, l’attitude active, qui prend position sur le terrain de la vérité, peut être tout aussi dangereuse. À cet égard, l’histoire de Jésus est en relation avec une autre histoire qui, si elle est vraie, illustre ce qu’il advient lorsque l’État produit sa propre vérité.

Jésus naquit sous l’empire d’Auguste et mourut sous Tibère. Auguste restera pour toujours le génie politique par excellence qui transforma la République en une monarchie absolue sans rien ouvertement changer dans la constitution de Rome, en évitant non seulement le conflit avec le Sénat – conflit que son prédécesseur, César, avait payé de sa vie –, mais aussi une guerre civile[14]. Son génie l’a amené à conserver l’apparence du pouvoir de l’aristocratie sénatoriale tout en substituant à cette classe, incapable de gouverner, son propre pouvoir fondé sur la loyauté de ses troupes et son patrimoine immense. Par cette prudence, il a su créer une organisation politique qui continuera à inspirer dans un certain sens les esprits jusqu’à la Révolution française et qui durera, en tant que telle, jusqu’à la chute ou prise de Constantinople en 1493 par les ottomans (translatio imperii )[15]. Mais pour établir un tel régime, Auguste a dû payer le prix d’un mensonge : celui du mensonge sur la prétendue continuité du pouvoir sénatorial. Les sénateurs, comme les successeurs d’Auguste, ont toujours été confrontés au péril d’oublier la vraie structure du pouvoir, qui réfute une telle continuité[16]. Le mensonge s’étend, plus généralement, à la nature du nouveau régime, qui se présentait non pas comme une monarchie, mais comme la restauration de la République.

Les discours et les mises en scène politiques alimentaient cette illusion. Suétone raconte ainsi qu’à sa mort, Auguste prononçât en grec la formule d’adieu des comédiens : « Si vous avez pris goût à ces délassements, ne leur refusez pas vos applaudissements »[17]. Son successeur, Tibère, était quant à lui un professionnel du rituel politique de la recusatio imperii, qui montrait que le Sénat offrait le pouvoir à Tibère, mais que celui-ci hésitait toujours et que s’il l’accepta finalement, c’était contre son gré[18] ; il continua d’ailleurs à exprimer publiquement son désir de se retirer – à Capri bien sûr. Ces hommes étaient des modèles pour leur successeur Caligula[19]. Étant le fils de Germanicus, rival extrêmement populaire et malheureux de Tibère, Caligula avait passé sa jeunesse sous la menace permanente d’un assassinat. Il avait vu sa mère périr sur l’ordre de Tibère, qui avait probablement aussi assassiné son père. Si le mouvement « punk » consiste en l’extériorisation symbolique d’un dédain envers l’hypocrisie des structures dominantes[20], Caligula, était certainement une espèce de « punk » avant la lettre. Sa colère était surtout dirigée contre le Sénat qui avait permis, par sa lâcheté et sa flatterie à l’égard de Tibère, la mort terrible de sa mère. Le fameux cheval fait sénateur n’était que l’expression suprême de ce mépris. Sachant qu’il avait besoin d’une autre source de pouvoir à substituer au Sénat, Caligula se fit populiste : il dévora en cette qualité le patrimoine des riches sénateurs pour payer le panis et circenses offerts au peuple et s’efforça de donner à celui-ci des victoires afin d’accroître son prestige et de préparer son apothéose. En soi, ces agissements ne semblent pas nécessairement inattendus ; la manière de remporter ces victoires, cependant, est plus extraordinaire. Suétone, l’une de nos sources principales, relate ainsi la campagne de Caligula en Germanie :

Ensuite, ne sachant à qui faire la guerre, il fit passer le Rhin à quelques Germains de sa garde, qui devaient se tenir cachés jusqu’au moment où, après son dîner, on viendrait dans le plus grand trouble lui annoncer la présence de l’ennemi. La chose fut faite. Aussitôt il s’élança dans la forêt voisine avec ses amis et une partie des cavaliers prétoriens, coupa des arbres qu’il façonna comme des trophées, et revint, à la lueur des flambeaux, reprochant à ceux qui ne l’avaient pas suivi leur paresse et leur lâcheté (…)[21].

Occupé ensuite du soin de son triomphe, il ne se contenta pas d’emmener les prisonniers et les transfuges barbares, il choisit les Gaulois (sic !) de la taille la plus haute, et, comme il le disait, la plus triomphale, quelques-uns même des plus illustres familles, et les réserva pour le cortège. Il les obligea non seulement à se rougir les cheveux, mais encore à apprendre la langue des Germains et à prendre des noms barbares... »[22].

Ce comportement de Caligula, bien que compréhensible, ne paraît pas tout à fait normal. En réalité, l’empereur s’efforce de construire des « fake news » autour de ses victoires et semble dans le même temps se moquer des consommateurs de ces fausses nouvelles – à cet égard il se moque surtout du Sénat, qui lui vota le triomphe dans son habituelle complaisance. On ne peut imaginer un contraste plus fort avec les actions de Jules César, c’est-à-dire avec l’esprit de la République.

Il en résulte un enseignement utile à propos de la loi « contre la manipulation de l’information ». Dans son principe, celle-ci est fondé sur l’idée selon laquelle l’État porte un regard objectif, qu’il défend la vérité comme le faisaient les français lorsqu’ils votaient la loi sur le génocide arménien. Mais qu’en est-il lorsque l’État lui-même devient voyou, lorsqu’il profère des mensonges, tout en disposant en plus d’une loi qui lui permet de lutter contre tout ce qui s’oppose aux vues qu’il exprime ? N’est-ce pas la voie de la servitude la plus immédiate ? Les actes de Caligula sont l’exemple même de ce qui peut se produire lorsque l’État devient voyou. Et il ne s’agit pas d’un accident : dans un certain sens, les mensonges de Caligula sont le produit naturel du mensonge fondamental (πρτον ψεδος) d’Auguste sur la continuité de la République et du pouvoir sénatorial. Un régime politique fondé sur le mensonge produira toujours plus de mensonge. Le populisme de Caligula est le résultat logique de l’éviction du Sénat, et la propagande, les « fake news », sont le produit logique de ce populisme. Il suffit de s’interroger sur les mensonges inhérents à un régime politique pour savoir pourquoi on produit des fausses nouvelles.

Bien sûr, les agissements de Caligula sont plus complexes que les sources ne les rapportent ; nous ignorons quelle est la vérité à cet égard. Pour être honnêtes, nous sommes tous un peu comme Ponce Pilate et ne savons pas si ces histoires sur Caligula sont vraies ou fausses. Il est très probable que notre source d’information principale, Suétone, soit tout-à-fait tendancieuse, étant donné que, par sa voix, ce n’est pas le vainqueur mais le vaincu, c’est-à-dire l’aristocratie sénatoriale, qui a écrit l’histoire[23]. Caligula fit peut-être une fake news de ses victoires sur les tribus germaniques, mais il est assez vraisemblable aussi que ce récit même soit une fake news forgée par ses adversaires politiques. Dans un cas, les fausses nouvelles seraient le produit de la propagande officielle, dans l’autre, celui de la haine politique.

III.           L’autorité engagée

Avec les fake news forgées contre Caligula par ses adversaires, on touche le fond de la chose. Peut-être y avait-il, comme toujours il y en a, des rumeurs sur l’empereur ; mais la question décisive est : pourquoi l’aristocratie sénatoriale, la classe dont dépend l’historiographie sur Caligula, a-t-elle cru à ces rumeurs ? Les sénateurs et leur historien Suétone auraient pu refuser de croire à de telles bêtises, mais par l’effet de la haine sans doute, c’est le contraire qui se passa. La question de la vérité s’estompe devant celle de la disposition à croire, sans laquelle les faits, vrais ou faux, perdent leur importance. De là le sens du fameux proverbe italien se non è vero, è ben trovato.

L’affaire peut être rapprochée à cet égard d’un scandale très récent : le fameux scandale du « Pizzagate »[24]. Il s’agit d’une théorie conspirationniste prétendant qu’il aurait existé un réseau pédophile autour de John Podesta, l’ancien directeur de campagne d’Hillary Clinton lors des élections présidentielles de 2016. Cette théorie repose sur diverses interprétations et constructions en rapport notamment avec une pizzeria, et sur le contenu de courriels privés divulgués par WikiLeaks. Elle a émergé sur internet, particulièrement sur les sites 4chan et Reddit, en novembre 2016. Une personne normale, dotée d’une dose saine de scepticisme, ne croirait jamais une rumeur aussi absurde. En soi, ce postulat n’est vrai qu’à la condition que cette personne soit bien intentionnée. Cependant, même un individu malintentionné trouve normalement dans sa raison propre une limite à ses croyances et à leur expression. Le véritable rempart, dans cette perspective, tient à l’éducation des citoyens. Il tient plus précisément à la place faite aux Geisteswissenchaften (sciences humaines) dans l’éducation : le seul antidote, aussi faible soit-il, contre les mésusages de la rhétorique – et les fake news sont une forme de rhétorique –, consiste précisément en une bonne formation à la rhétorique. Au fond, la lutte contre les fausses nouvelles repose en dernier lieu sur un combat contre la stupidité et l’inculture, et surtout contre la haine politique. Une réglementation contre les fakes news semble tout-à-fait futile à cet égard. La haine politique n’a été abolie normativement que dans les paradis terrestres de Staline ou Pol Pot. La faiblesse d’une telle réglementation est qu’elle court le risque de produire exactement ce qu’elle prétend éviter : un totalitarisme fondé sur la suppression de la liberté d’opinion, régime qui conduit toujours, on le sait, au gouvernement des fake news dans son expression la plus dure. Si la mort de Jésus s’explique par la faute d’une autorité neutre, celle du gouverneur romain, elle s’explique aussi par la faute d’une autorité engagée qui ne permettait pas à une autre opinion ou croyance de s’exprimer – en l’occurrence, l’autorité juive de Jérusalem.

IV.          IV L’autorité nihiliste

Nietzsche, admirateur de Ponce Pilate, méprisait le concept traditionnel de vérité : « Celui qui ne peut pas mentir ne sait pas ce qu’est la vérité », écrivait-il[25]. Il est le parrain de l’école postmoderne[26], la « french theory » comme disent les américains, qui en guise de lutte pour les opprimés déclare tout un texte, tout intention et intérêt. Il n’y a pas de vérité pour cette école, il n’y a que des interêts.

C’est quand même drôle, pour des decennies on a, surtuout en France, refuser la verité comme une forme decpeción, de naivté qu’il faut detrouir au nom de l’emancipacion de l’homme. Et maintenant, une fois que les gens se sont rendu compte de ce que cela veut dire d’abolir le concept de la vérité, au sens d’Aristote[27] ou de Tarski (« L’énoncé ‘La neige est blanche’ est vrai, exactement sous la condition que la neige est blanche »[28]), ils veulent l’introduire mais non pas en faisant d’avance un examen de conscience et un travail sur leurs propres bases philosophiques mais tout simplement en suscitant la censure[29] – qui aboutit normalement, dans une forme ou l’autre, à déclarer l’étron farci au caramel. Non, celui qui ne sait pas ce qu’est la vérité n’a pas le droit de l’imposer !

V.            V. La fausseté de la vérité juridique 

Bien sûr que la tentation existe : bien sûr que l’Homme se croit, malgré tout, habilité à imposer sa « vérité », quelle que soit sa justification. Face à cette insouciance nous devons nous demander s’il est méthodologiquement possible de faire de cette volonté politique une loi. Si une loi décrète la vérité, elle doit elle-même être vraie – comment pourrait-elle garantir la vérité si cette qualité lui manque ? –, et seule cette qualité permet à une telle loi de justifier des restrictions à la liberté d’expression. Cette exigence de vérité est une condition nécessaire pour admettre une règle contre les « fake news ». Il reste à déterminer pour cela si le droit est une épistémè, une science : si, en d’autres termes, une norme peut être vraie.

Pour les Romains, paraît-il, le droit avait cette qualité à un certain moment de son histoire, et les juristes qui l’étudiaient avaient celle de « philosophes ». En composant le Digeste, Tribonien choisit dans cette perspective, parmi les citations des juristes classiques un texte des Institutes d’Ulpien comme préface à sa monumentale codification.

Ulp. 1 Inst. D.1.1.1 pr.-1[30] : Iuri operam daturum prius nosse oportet, unde nomen iuris descendat. est autem a iustitia appellatum: nam, ut eleganter Celsus definit, ius est ars boni et aequi. Cuius merito quis nos sacerdotes appellet: iustitiam namque colimus et boni et aequi notitiam profitemur, aequum ab iniquo separantes, licitum ab illicito discernentes, bonos non solum metu poenarum, verum etiam praemiorum quoque exhortatione efficere cupientes, veram nisi fallor philosophiam, non simulatam affectantes.

Les étudiants en droit ont besoin de savoir d’abord d’où vient le mot « droit » (jus). Le droit tire son nom de la justice. Car, comme l’a défini élégamment Celse, le droit est l’art du bon et du juste. Pour cette raison on nous appelle avec raison des prêtres : car nous cultivons la justice et nous enseignons le savoir du bon et du juste, séparant la justice de l’injustice, discernant le licite de l’illicite ; cherchant à former des gens honorables non seulement par la crainte des peines mais aussi par l’attrait des récompenses, aspirant à une vraie philosophie et non à une philosophie fausse ou simulée.

Comme le souligne Giaro dans son étude sur les « vérités » du droit, les anciens ne doutaient pas que le droit soit une épistémè[31], ce qui est prouvé non seulement par ce texte qui parle des juristes comme de ceux qui aspirent à une vraie philosophie, mais aussi par d’innombrables autres qui parlent de la vérité d’énoncés normatifs. Cette particularité n’étonne pas si l’on perçoit que les Romains étaient jusnaturalistes, c’est-à-dire qu’ils croyaient en un droit « naturel » préexistant, physique pourrait-on dire[32]. Il reste à déterminer si nous, les Modernes, pouvons adhérer à une telle position méthodologique. C’est seulement à la condition que le droit soit une science qu’il serait possible d’affirmer qu’il puisse être vrai ou faux, dès lors que la science réside dans « ce que l’on sait pour l’avoir appris, ce que l’on tient pour vrai au sens large, l’ensemble de connaissances, d’études d’une valeur universelle, caractérisées par un objet (domaine) et une méthode déterminée, et fondés sur des relations objectives vérifiables [sens restreint] »[33].

Les théoriciens contemporains des sciences ont proposé des critères pour déterminer si un savoir constitue ou non une science[34], et plusieurs de leurs réflexions peuvent être rappelées à cet égard. Issu du « cercle viennois », Popper postulait quant à lui la « falsification » comme critère de démarcation entre science et métaphysique ; cependant il paraît impossible de l’appliquer à un énoncé normatif[35]. Dans cette perspective, Kuhn, fortement influencé par Popper, critiquait cette théorie qu’il jugeait applicable seulement à de grandes « révolutions scientifiques » : dans la vie quotidienne, la vérité d’un énoncé scientifique s’apprécie plutôt au regard de son adaptation au système d’énoncés préexistant, analyse que Kuhn appelle non sans ironie « puzzle-solving »[36]. Or en matière juridique, comme le savent bien les comparatistes, si les arguments systématiques peuvent être puissants devant une juridiction donnée, en dehors de celle-ci ils perdent néanmoins toute leur force. Le phénomène des « mixed legal systems »[37] en offre des expressions sigificatives.

Imre Lakatos jugeait les idées de Popper « plutôt étonnantes » et disait : « A theory may be scientific even if there is not a shred of evidence in its favour, and it may be pseudoscientific even if all the available evidence is in its favour. That is, the scientific or non-scientific character of a theory can be determined independently of the facts »[38]. À ses yeux, une théorie était scientifique si elle partait d’une approche qu’implique le progrès. Lakatos, il faut le dire, a parfaitement raison : sans ce point de vue le progrès serait impossible. Inversement, une loi, quelle que soit son contenu, mais tout particulièrement si elle lutte contre les « fakes news », est sûrement très conservatrice et empêche probablement le progrès. De ce point de vue une telle loi, par consquence, n’est scientifique.

Selon le sociologue Robert K. Merton la science devait plutôt être caractérisée par son universalisme, par le fait d’être le fruit de l’effort d’une communauté scientifique ; aussi devait-elle être désintéressée et ouverte à la critique[39]. L’exemple de la loi française relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 pourrait être envisagée à nouveau suivant cette perspective : en énonçant que « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 », elle contredit radicalement ces critères de scientificité, comme le démontre la réaction de la République de Turquie suscitée par cette loi[40].

Plus récemment encore, un catalogue de caractères distinctifs a été conçu pour distinguer les pratiques qui sont contraires à la démarche scientifique : foi dans l’autorité, expérimentations triées ou insusceptibles de reproduction, défiance à l’égard des vérifications, négligence à l’égard d’informations contradictoires, subterfuge intégré rendant nécessaire la confirmation d’une théorie, défauts d’explications[41]. Dans le cas d’une loi, le subterfuge intégré (« built-in subterfuge ») s’appelle aujourd’hui « État de droit » en Occident, dès lors qu’aucun motif ne permet de déroger à ce principe dans le processus normatif occidental ; on comprend facilement dans ces conditions, au vu de ces critères, que le droit soit exclu du domaine de la science.

Cette situation qui a pu réduire le droit à une forme de métaphysique a, on le sait, suscité des réactions méthodologiques. C’est pour en sortir que Kelsen, lié lui aussi au « cercle viennois », réclamait le positivisme le plus rigide[42]. Le prix à payer pour suivre cette méthode était la neutralité la plus absolue à l’égard des contenus juridiques : pour que le droit fasse exclusivement l’objet d’une analyse scientifique, la production de la norme devait seulement dépendre de sa validité ou de son invalidité. Le positivisme juridique traitait les normes comme des êtres susceptibles ou non d’exister, mais qui ne pouvaient jamais acquérir le prédicat de « vrai ou faux ». Dans ce cadre propre au positivisme kelsenien, il est possible que le droit ait acquis la qualité de science ; mais l’approche excluait alors catégoriquement sa scientificité dans un autre domaine que celui de la validité ; il pouvait en aucun, notamment, déterminer scientifiquement la vérité. Il en résulte que le droit ne devrait pas se mêler de questions à caractère épistémologique. La « vera philosophia » de Tribonien et de ses collaborateurs est aujourd’hui méthodologiquement inadmissible.

VI.          La vérité de la vérité sociologique 

Dans un petit essai satirique, Jonathan Swift analysait l’efficacité du mensonge politique, des « fake news ». À la fin de ses réflexions il se demandait si cette tactique n’était pas vouée à perdre rapidement son efficacité : « Mensonge, ton nez s’allonge ». Contestant cette idée, il observait :

« Peu de mensonges portent la marque de leur inventeur, et l’ennemi le plus prostitué de la vérité peut en répandre mille sans être connu comme son auteur. À part cela, comme le plus vil des auteurs tient ses lecteurs, le plus grand des menteurs tient ses fidèles, et il suffit souvent qu’un mensonge ait été cru pendant une heure pour avoir eu son effet et il perd son intérêt après. La tricherie vole, la vérité claudique auprès d’elle, de la forme qu’elle vienne trop tard quand on a finalement détrompé les gens ; la rigolade est finie, et l’histoire a eu son effet… [la vérité] c’est comme une médecine qui a trouvé un médicament infaillible – après la mort du patient »[43].

 

L’usage de « farcir l'étron, de le faire passer au caramel » est ancien et il y a peu de remèdes contre lui : tel est l’enseignement de Swift. Il y a là une vérité sociologique peu contestable. Étant donné cette loi du retard de la vérité, il devient nécessaire d’empêcher que le « moindre obstrué trou du cul » se voie « Jupiter dans la glace ». Céline tenait ces propos au sujet de la jeune Union Soviétique, un État qui pouvait se vanter d’avoir inventé les « mesures actives »[44], c’est-à-dire la forme la plus sophistiquée d’usage stratégique de « fakes news », qui a pu conduire, par exemple, à affirmer que le Sida aurait été inventé par le gouvernement des États-Unis pour décimer sa population noire[45]. L’Union Soviétique était alors l’État qui, par excellence, étouffait la liberté d’expression[46]. On le perçoit bien alors : suivre cet exemple, adopter ce genre de mesures, reviendrait à chasser les démons avec Belzébul : soit une telle entreprise est vouée à l’échec, soit elle aura pour effet d’installer un de ces Jupiters que vilipendait Céline.



* Professeur, Faculté de Droit de l'Université du Chili, jakob.stagl@yahoo.de.

[1] En l’occurrence, l’organisme auquel est supposée cette connaissance est le Conseil supérieur de l’audiovisuel, suivant les termes de la loi adoptée : [legifrance.gouv.fr].

[2] Sur le procès de Jésus voir L. Garofalo, Gesù. La crocifissione di un giusto, Milano 2019 ; D. Liebs, Vor den Richtern Roms, Munich, 2007, p. 89 s. ; A. Schiavone, Ponzio Pilato : Un enigma tra storia e memoria, Milano, 2016 (trad. française : Ponce Pilate, Paris, 2016) ; P. Święcicka, Proces Jezusa w świetle prawa rzymskiego. Studium prawno-historyczne, Varsovie, 2012.

[3] Jn. 18, 33 ss. : « Introivit ergo iterum in praetorium Pilatus : et vocavit Jesum, et dixit ei : Tu es rex Judaeorum ? Respondit Jesus : A temetipso hoc dicis, an alii dixerunt tibi de me? Respondit Pilatus : Numquid ego Judaeus sum ? gens tua et pontifices tradiderunt te mihi : quid fecisti ? »

[4] Jn. 14, 6 : « Dicit ei Jesus : Ego sum via, et veritas, et vita. Nemo venit ad Patrem, nisi per me ».

[5] Jn. 18, 37-40 : Dixit itaque ei Pilatus : Ergo rex es tu ?. Respondit Iesus : Tu dicis quia rex sum. Ego in hoc natus sum et ad hoc veni in mundum, ut testimonium perhibeam veritati ; omnis, qui est ex veritate, audit meam vocem. Dicit ei Pilatus : Quid est veritas ? Et cum hoc dixisset, iterum exivit ad Iudaeos et dicit eis : Ego nullam invenio in eo causam. Est autem consuetudo vobis ut unum dimittam vobis in Pascha : vultis ergo dimittam vobis regem Judæorum ? Clamaverunt ergo rursum omnes, dicentes : Non hunc, sed Barabbam. Erat autem Barabbas latro.

[6] C. Schmitt, Der Leviathan in der Staatslehre des Thomas Hobbes, Köln, 1982, p. 67.

[7] F. Nietzsche, Der Antichrist, 1895 : « Habe ich noch zu sagen, dass im ganzen neuen Testament bloss eine einzige Figur vorkommt, die man ehren muss ? Pilatus, der römische Statthalter. […] Der vornehme Hohn eines Römers, vor dem ein unverschämter Missbrauch mit dem Wort “Wahrheit” getrieben wird, hat das neue Testament mit dem einzigen Wort bereichert, das Werth hat, – das seine Kritik, seine Vernichtung selbst ist : “was ist Wahrheit” ! ».

[8] K. Vogt, « Ancient Skepticism », The Stanford Encyclopedia of Philosophy, dir. Edward N. Zalta, 2018.

[9] Mt. 27, 22-25 : Dicit illis Pilatus : Quid igitur faciam de Jesu, qui dicitur Christus ? Dicunt omnes : Crucifigatur. Ait illis praeses : Quid enim mali fecit ? At illi magis clamabant dicentes : Crucifigatur. Videns autem Pilatus quia nihil proficeret, sed magis tumultus fieret : accepta aqua, lavit manus coram populo, dicens : Innocens ego sum a sanguine justi hujus : vos videritis. Et respondens universus populus, dixit : Sanguis ejus super nos, et super filios nostros.

[10] Mt. 12, 30.

[11] J.-P. Sartre, Situations II, Paris, 1948, p. 74 s.

[12] J.-M. Pailler, Bacchanalia. La répression de 186 av. J.-C. à Rome et en Italie. Vestiges, images, tradition, Rome, 1988 ; M. Riedl, « The Containment of Dionysos : Religion and Politics in the Bacchanalia Affair of 186 BCE », International Political Anthropology, 5/2 (2012), p. 113–133.

[13]  Voir G. Ferrero, Pouvoir. Les génies invisibles de la cité, 2e éd., Paris, 1988.

[14] K. Christ, Geschichte der Römischen Kaiserzeit, 6e éd., München, 2009.

[15] J. Le Goff, La Civilisation de l'Occident médiéval, Paris, 1964, p. 196-197 ; Ch. Bratu, « Translatio, autorité et affirmation de soi chez Gaimar, Wace et Benoît de Sainte-Maure », The Medieval Chronicle, 8 (2013), p.  135 s.

[16] Voir G. Ferrero, Pouvoir cit.

[17] Traduction de M. Cabaret-Dupaty, Paris, 1893 : « πε δ πάνυ καλς πέπαισται, δότε κρότον Κα πάντες μς μετ χαρς προπέμψατε ».

[18] J. Béranger, « Le refus du pouvoir », Museum Helveticum, 5 (1948), p. 178–196.

[19] La dernière biographie consacrée à Caligula est : A. Winterling, Caligula : Eine Biographie, München, 2012 ; à notre avis, Winterling exploite sans le mentionner suffisamment le brillant essai biographique de R. Auguet, Caligula ou le pouvoir à vingt ans, Paris, 1975.

[20] C. de Kergariou, No Future. Histoire du punk, Paris, 2017.

[21] Suet. Calig. 45.1-2 (trad. La Harpe et Cabaret-Dupaty) : Mox deficiente belli materia paucos de custodia Germanos traici occulique trans Rhenum iussit ac sibi post prandium quam tumultuosissime adesse hostem nuntiari. Quo facto proripuit se cum amicis et parte equitum praetorianorum in proximam silvam, truncatisque arboribus et in modum tropaeorum adornatis ad lumina reversus, eorum quidem qui secuti non essent timiditatem et ignaviam corripuit (…).

[22] Suet. Calig. 47.1 (trad. La Harpe et Cabaret-Dupaty) : Conversus hinc ad curam triumphi praeter captivos ac transfugas barbaros Galliarum quoque procerissimum quemque et, ut ipse dicebat, ξιοθριάμβευτον, ac nonnullos ex principibus legit ac seposuit ad pompam coegitque non tantum rutilare et summittere comam, sed et sermonem Germanicum addiscere et nomina barbarica ferre.

[23] D. Wardle, Suetonius’ Life of Caligula. A commentary, Bruxelles, 1994.

[24] Voir l’article consacré à cette théorie conspirationniste dans [en.wikipedia.org].

[25] F. Nietzsche, Also Sprach Zarathustra, Leipzig, 1892 : « Wer nicht lügen kann, weiß nicht, was Wahrheit ist ».

[26] M. Ferraris, Postverité et autre énigmes, Paris, 2018.

[27] Ar. Methaph. 6.159 (1051b) : « D’abord ç’est vrai : quelqu’un n’est pas blanc (pâle) en vérité pour la raison que nous avons l’opinion qu’il soit blanc, mais à l’envers : parce qu’il est blanc, l’énoncé est vrai, si nous énonçons ça sur lui ».

[28] A. Tarski, « Die semantische Konzeption der Wahrheit und die Grundlagen der Semantik», Wahrheitstheorien. Eine Auswahl aus den Diskussionen über Wahrheit im 20. Jahrhundert. Suhrkamp, dir. G. Skirbekk, 1977, p. 140–188, ici p. 143.

[29] Devenue, il paraît, un phénomène global : dernièrement A. Julius, Shameless Authors, Oxford, 2020, à paraître.

[30] Sur ce texte M. J. Schermaier, « Ulpian als wahrer Philosoph, en Ars boni et aequi », Festschrift für Wolfgang Waldstein zum 65. Geburtstag, dir. M. J. Schermaier et Z. Végh, Stuttgart, 1993, p. 303 s. et T. Giaro, Römische Rechtswahrheiten, Francfort, 2007, p. 237, 239, 241, 550 s.

[31] T. Giaro, Römische Rechtswahrheiten cit. p. 1 s.

[32] W. Waldstein, « Entscheidungsgrundlagen der klassischen römischen Juristen », ANRW II.15, New York, 1976, p. 3-100 ; D. Mantovani et A. Schiavone, Testi e Problemi del Giusnaturalismo, Pavia, 2007.

[33] Le petit Robert, Paris, 2018, iv. sub 2.

[34] S. O. Hansson, « Science and Pseudo-Science », The Stanford Encyclopedia of Philosophy dir. E.  N. Zalta, Summer 2017 Edition.

[35] K Popper, Conjectures and refutations. The growth of scientific knowledge, New York, 1963, p. 39; Id., « Falsifizierbarkeit, zwei Bedeutungen von », Handlexikon zur Wissenschaftstheorie, dir. H. Seiffert et G. Radnitzky, 2e éd., München 1994, p. 82–86.

[36] Th. Kuhn, « Logic of Discovery or Psychology of Research ? », The Philosophy of Karl Popper, dir. P. A. Schilpp, La Salle, 1977, p. 798–819, spéc. p. 801 s.

[37] Mixed Legal Systems in Comparative Perspective. Property and Obligations in Scotland and South Africa, dir. R. Zimmermann, K. Reid, D. Visser, Oxford, 2005.

[38] I. Lakatos, « Science and pseudoscience », Conceptions of Inquiry : A Reader, dir. S. Brown et al., London, 1981, p. 114–121, 117.

[39] R. K. Merton, The Sociology of Science. Theoretical and Empirical Investigations, Chicago, 1973, p. 267–278.

[40] Sur la négation du génocide arménien, voir par exemple l’article consacré à cette question sur wikipedia : [fr.wikipedia.org].

[41] S. O. Hansson, « Science... » cit., sub puce 4.6.

[42] H. Kelsen, « Was ist juristischer Positivismus ? », JZ, 15/16 (1965), p. 465-469.

[43] J. Swift, « From The Examiner » in English Prose, éd. H. Craik, London, vol. III. Seventeenth Century, 1916, n°15 : « Few lies carry the inventor’s mark, and the most prostitute enemy to truth may spread a thousand, without being known for the author : besides, as the vilest writer hath his readers, so the greatest liar hath his believers : and it often happens, that if a lie be believed only for an hour, it hath done its work, and there is no further occasion for it. Falsehood flies, and truth comes limping after it, so that when men come to be undeceived, it is too late ; the jest is over, and the tale hath had its effect : (…) the company parted ; or like a physician, who hath found out an infallible medicine, after the patient is dead ».

[44] Voir l’article consacré à ces Active Measures sur [en.wikipedia.org].

[45] A. B. Ellick, A. Westbrook et J. M. Kessel, « Meet the KGB Spies Who Invented Fake News », New York Times, 12. 11. 2018, [nytimes.com].

[46] N. Werth, Histoire de l'Union soviétique, 5e éd., Paris, 2001.